Il y a des
jours avec et des jours sans. Ce jour là était un des ces
jours. Un qui vous file cafard pour le reste de la journée. Pourquoi ?
Parce que qu'une personne importante dans la vie d'Isabella avait
choisi ce jour pour disparaître. Son mari, Patrizio, s'était éteint
soudainement, sans que rien ne le laisse présager. Pourquoi le
sort
s'acharnait-elle sur elle et sa famille ? Il n'y avait encore pas si
longtemps que ça, son fils et sa femme étaient mort lors d'un
affrontement entre famille rivale. Affrontement qui avait aussi fait
des dégâts du côté ennemi. Et maintenant, on venait de lui prendre
l'homme de sa vie. Elle allait devoir s'occuper des ses petits-fils,
Mercutio et Roméo, toute seule. Et s’il lui arrivait aussi quelque
chose ? Qui allait s'en occuper ? Bianca, sa fille ? Non, elle était
trop occupée par sa propre famille et son boulot ! Antonio alors ? De
son côté, rien à espérer non plus. Il avait déjà une paire de jumeaux
et un restaurant qui accaparaient tout son temps libre !
Et pourquoi était-elle là à se lamenter sur l'avenir ? Encore à cause
de cette stupide rivalité avec les Capp. Isabella n'en pouvait plus.
Déjà, elle avait demandé à Patrizio de cesser ces querelles ridicules
mais le vieux chef de clan ne voulait rien entendre. Elle avait beau le
supplier, le prendre par les sentiments en lui disant que de l'autre
côté aussi, il y avait des enfants malheureux qui avaient perdu leurs
parents. Et un père tout aussi triste que lui. Mais rien à faire. Une
vraie tête de mule. Et on aurait pu croire qu'à la mort de celle qui a
tout déclenché, tout aurait été oublié, les amitiés reformées et la
tranquillité retrouvée dans notre chère bourgade de Véronaville. Et qui
est donc cette femme. La femme de Consort Capp, la personne la plus
détestée de Patrizio. Et pourquoi donc ? Tout simplement parce que
cette femme avant de se marier avec Consort était la petite amie de
Patrizio. Mais voilà, elle avait aussi touché le jeune Consort au cœur.
Et finalement, c'est ce dernier qui a eu le dernier mot et qui a
remporté le gros lot. Patrizio, qui travaillait avec lui s'est retrouvé
à la rue et a du tout recommencer à zéro. Oh, il s'en est sorti mais sa
haine envers son ancien ami était restée intacte jusqu'à la mort. Tant
et si bien qu'il avait même réussi à la transmettre à ses enfants puis
à ses petits enfants. Il fut même un temps où Isabella elle-même avait
été touchée par cette folie. Mais il ne faut pas croire que Consort
Capp se sentait peiné et désolé de ce qui s'était passé. Ca non. Lui
aussi entretenait sa famille dans la haine de la famille Monty.
Isabella regrettait tout. Il était temps que ça change. Elle allait
appeler Consort et allait essayer de réparer. Quoi qu'en dise ces
petits enfants. Après tout, c'était pour eux qu'elle le faisait. Pour
ne pas qu'ils revivent les mêmes cauchemars qu'elle, les mêmes
angoisses.
Mais
elle décida quand même d'attendre avant d'agir. Si elle s'y mettait
tout de suite, elle savait que ses enfants considèreraient son action
comme une trahison. Après tout, on venait tout juste d'enterrer son
pauvre mari. Même si le temps qui s'écoulait entre sa mort et la
réconciliation n'avait aucune importance à ses yeux. Quoi qu'elle
fasse, elle allait le trahir, lui et toutes ses convictions.
Lorsque qu'elle se décida enfin, cela faisait deux mois que Patrizio
était décédé. En fait, elle profita du départ de son petit-fils
Mercutio à l'université pour inviter Consort à venir prendre un verre
au ranch. Mercutio avait beau être gentil et tolérant la plupart du
temps, cela ne l'empêchait pas de détester les Capp autant que son
grand-père. Au moins, elle n'aurait pas à supporter ses reproches
incessants. Quant à Roméo, Isabelle ne s'inquiétait pas pour lui. Si
elle réussissait à faire enterrer la hache de guerre au vieux Consort,
cela l'arrangerait plutôt. En effet, Isabella l'avait à maintes
reprises surpris en compagnie de l'une des jeunes filles Capp nommée
Juliette. Elle soupçonnait une liaison entre eux et elle savait que si
Consort l'apprenait, il enverrait sûrement cette Juliette à l'autre
bout du pays. Peut être même que Roméo allait l'aider après tout !
Elle décrocha donc son téléphone et fit pour la première fois de sa vie le numéro du manoir Capp.
Elle entendit très vite la voix grave de Consort :
"Allô ? Qui est à l'appareil ?
-Euh... Bonjour Consort. C'est Isabella Monty. Je...
-Tiens, tiens. Isabella Monty. Que me vaut cet honneur ?
-Je me demandais si vous accepteriez de venir prendre un verre au ranch.
-Une invitation ! Que se passe-t-il ? Encore un de vos coups montés.
-Non, pas du tout Consort. En fait, j'aimerais que nos deux familles
puisse faire la paix. J'en ai assez des ces querelles incessantes.
-Hum... Ca demande réflexion. Bon, d'accord, je veux bien passer. On
verra bien ce qu'on pourra faire. Mais je vous préviens, à la première
entourloupe, il n'est plus question de rien."
Lorsqu'il arriva quelques minutes plus tard,
Isabella fut bien surprise de le voir. Elle pensait que malgré ce qu'il
lui avait dit, il ne viendrait pas et qu'il lui avait donné une réponse
positive seulement pour qu'elle le laisse tranquille. Ou du moins, elle
pensait que s’il venait, il viendrait beaucoup plus tard à cause de son
travail. Si les Monty étaient un couple de retraité, Consort était
encore à la tête d'une grande société.
La conversation eut du mal à démarrer. Que dire à quelqu'un avec qui
les seules conversations qu'elle avait eues étaient souvent composées
essentiellement composée de mots qu'on évitait d'inscrire dans le
dictionnaire. Elle se jeta donc à l'eau et expliqua les raisons qui
l'avaient poussée à faire le premier pas. A son grand étonnement, il
lui avoua qu'il se trouvait lui-même trop vieux pour ce genre de
choses. Apparemment, cette réconciliation serait moins difficile
qu'elle ne l'aurait pensé.
Mais aujourd'hui, pour elle, c'était comme si
c'était hier. Depuis ce premier rendez-vous, tout était allé dans le
bon sens et les familles Capp et Monty n'étaient plus en guerre l'une
contre l'autre. Enfin en apparence. Si la vieille génération, celle qui
avait été témoin des prémices de la querelle, avait pardonné
facilement, certainement par usure, les enfants et les petits enfants
n'étaient pas encore près. Pour eux, on trahissait Patrizio si on
arrêtait le combat qu'il avait mené durant tant d'années. Et puis, il y
en a qui avait perdu un frère, une sœur, un père, une mère. Cela ils
n'étaient pas près de l'oublier. Ils se demandaient même comment
Isabella avait passé l'éponge sur les agissements des Capp et vice
versa. Pour eux, c'était inconcevable. Cela ne pouvait pas durer.
Et bien ils se trompaient. Très vite, Isabella et Consort se trouvèrent
de nombreux points communs. Consort était en fait un homme charmant
quand on apprenait à le connaître. Isabella comprenait maintenant
comment Condessa avait pu tomber sous le charme et ainsi quitter
Patrizio. Et puis le vieil homme était beaucoup plus distingué que son
défunt mari. Il avait de très bonnes manières contrairement à Patrizio
qui adorait toutes les parties de son corps qui pouvaient faire un
bruit quelquonc.
Cela lui faisait quand même bizarre de se dire qu'elle était maintenant
ami avec le pire ennemi de son mari. Mais ami n'est pas un mot assez
fort pour parler de la relation qu'avait noué Isabella et Consort.
Partout, on les voyait ensemble et chacun venait régulièrement prendre
un verre chez l'autre. Les ragots fusaient à Véronaville. Certains même
racontait qu'il y avait plus qu'une simple amitié, aussi fort
soit-elle entre eux deux.
Et le temps allait leur donner raison. Au fil des sorties et autres
invitations à dîner, Isabella avait découvert un homme merveilleux et
Consort une femme unique. Tout ça finit bien sûr par un baiser, un soir
qu'ils rentraient d'une énième sortie. Et ce baiser allait leur changer
la vie. Plus encore que la réconciliation.
Six mois plus tard, ils se marièrent devant leurs proches.
Du moins, ceux qui avaient accepté de venir.
Roméo, Juliette et Hermia. Les autres condamnaient ce mariage. Pour eux
c'était un sacrilège. Chez les Monty surtout. Comment Isabella
pouvait-elle faire cela à Patrizio ? C'était un véritable coup de
poignard. Mais n'était-ce pas ironique ? L'histoire se répétait et une
fois de plus Consort gagnait le cœur de l'amour de Patrizio.
Après ce mariage, il fallut décider où allait
habiter cette famille recomposée. Dans le manoir austère et rempli de
fantômes des Capp ou dans le ranch chaleureux et plein de vie des Monty
? Après réflexion, il fut décidé que Consort et ces petites filles
viendraient s'installer au ranch. Après tout il y avait de la place
pour tout le monde et s’il fallait y faire des travaux, il serait
beaucoup plus facile de le modifier, n'étant pas soumis aux règles
d'architecture du vieux Véronaville. Et l'air pur de la campagne ferait
du bien à Hermia et Juliette. Mais cela non plus la famille Monty ne
l'accepta pas. Qu'Isabella épouse Consort, passe encore mais qu'elle le
fasse habiter dans le ranch, pas question !
Mais quoi qu'ils aient pu dire ou faire, cela ne changea rien.
Le seul qui était satisfait de cette situation, c'était Roméo. Il
allait avoir sa petite amie sous la main à n'importe quelle heure de la
journée. En plus, il était convenu qu'elle prenne la chambre de
Mercutio qui communiquait avec la sienne. De belles nuits se
profilaient à l'horizon. De plus, le vieux Consort ne pourraient rien
dire quant à cette liaison puisqu'il avait lui-même épousé sa
grand-mère !
Tout ce petit monde vivait donc maintenant sous le même toit et Consort
avait apporté toutes ses économies sur le compte commun. On peut dire
que le montant sur ce compte avait fait un bond prodigieux. Dans la
famille Capp, on murmurait qu'Isabella avait fait la paix et épousé
Consort seulement pour sa fortune. Depuis la mort de Patrizio, on ne
peut pas dire que ses rentrées d'argent étaient phénoménales. Mais
bien sûr, cela n'était que des racontars. Isabella aimait vraiment
Consort, et c'était réciproque. Elle n'était pas une femme vénale. Son
bonheur tenait seulement à sa vie de famille. Il fallait voir dans quoi
elle avait habité durant toutes ces années de mariage avec Patrizio.
Pas une seule fois, la maison n'avait été rénovée. Les meubles dataient
du temps de la construction. Le seul achat récent qu'elle avait fait
été un ordinateur, une console de jeux et une télé pour que ces
petits-fils ne s'ennuient pas à longueur de journée.
Mais la cohabition était plus dure qu'elle ne l'aurait pensé. Si Hermia
et Roméo se sentaient bien, Juliette reprochait à son grand-père de
vouloir remplacer sa grand-mère par Isabella. Elle n'avait rien contre
la vieille femme mais elle trouvait que tout avait été trop vite à son
goût. Ses conversations avec elle tournaient vite à la dispute et
l'ambiance au ranch était au plus bas. Dès qu'elles se trouvaient dans
la même pièce, tous ceux qui s'y trouvaient aussi n'osaient dire mot.
C'était comme si le temps se figeait.
Finalement, Roméo pris son courage à deux mains et décida s'avoir une
conversation vraiment sérieuse avec Juliette pour connaître la cause de
ses craintes et peut être arriver à la rassurer. Quoi qu'il ait pu lui
dire cela lui fit de l'effet puisque après cette conversation, Juliette
devint plus agréable avec Isabella.
Maintenant que la situation entre Juliette et
Isabella était réglée, Roméo pensa qu'il était temps qu'il s'occupe de
ses propres soucis. Il devait parler à Consort de ce qui se passait
entre lui et sa petite fille. Quand la famille Capp était encore
considérée comme ennemie, il pouvait se passer de l'aval du vieil homme
et même c'était une sorte de vengeance. Mais depuis, les choses avaient
changé et Consort habitait dans la même maison que lui. Et il se
trouvait qu'il était fort sympathique. Mais comment engager la
conversation. Devait-il jouer carte sur table et en venir tout de suite
au sujet qu'il souhaitait aborder ou devait-il mener la conversation
jusqu'à ce qu'elle arrive là où il voulait ?
Mais avant même qu'il ait eu le temps de décider, ce fut Consort qui vint lui parler :
" Dis donc petit, qui a-t-il entre toi et Juliette ? , questionna-t-il.
-Hein ? Euh... Je veux dire comment ? Ce qu'il y a entre moi et Juliette ? Et bien... Euh...
-Ne me dis pas que vous êtes de simple amis, je ne le croirais pas. Je suis peut être vieux mais je ne suis pas encore aveugle.
-Si vous savez, pourquoi vous me posez la question ?
-Je t'ai déjà dis de me tutoyer ! Je voulais juste savoir si c'était sérieux.
-Ben...
-Je veux juste savoir pour toi. Parce que je sais que Juliette est très attachée à toi.
-Vous... Euh... Tu lui as demandé ?
-Non. Ca se voit, c'est tout. Mais toi, je te connais moins alors j'aimerai savoir.
-Elle compte pourquoi pour moi.
-Bien. C'est tout ce que je voulais savoir. J'espère que tu es sincère. Parce que si tu lui fais du mal..."
Il ne termina pas sa phrase mais Roméo savait ce qui l'attendait au cas
où il blesserait Juliette. Consort veillait jalousement sur ces petites
filles.
Il tourna les talons et commenca à se diriger vers la porte.
"Dis, c'est Isabella qui t'a mis au courant ? Pour moi et Juliette, demanda Roméo avant qu'il ne sorte de la pièce.
Consort s'arrêta, puis se retourna en direction de l'adolescent. Il lui sourit.
Roméo prit son silence pour un oui.
Juliette fut très contente d'apprendre que son grand-père ne se
mettrait pas entre elle et son petit ami. Roméo lui fit remarquer que
de toute façon, ce ne serait pas lui qui essayerait de les séparer. Il
s'était marié avec Isabella tout de même.
Ils profitèrent tous de suite de leur nouvelle liberté en échangeant un
baiser langoureux qui choqua assez Hermia, la jeune sœur de Juliette.
Elle ne comprenait pas qu'on puisse être à ce point irrespectueux. Ils
étaient dans la salle à manger tout de même ! Si encore ils s'étaient
juste embrasser furtivement. Non, là ils se montraient leur amour à
grand renfort de caresses et de bruits de bouche. S'en était presque
indécent. Heureusement qu'il n'y a pas d'enfant ici, pensa Hermia.
Sinon, il aurait rejoint tout de suite la longue liste des enfants
traumatisés pendant leur enfance.
Mais si Juliette et Roméo pouvaient vivre leur
amour en toute tranquillité, c'était aussi parce que l'aîné des petits
enfants de chaque famille étaient partis, bien malgré eux, faire leurs
études bien loin. Eux, n'auraient pas été aussi indulgent avec le
couple d'adolescent. Pour eux, un Capp n'a rien à faire avec un Monty
et vice versa. Au moins une chose sur laquelle ils étaient d'accord.
Ils avaient d'ailleurs été les plus violents à condamner le mariage
entre leurs grands-parents.
Isabella avait maintenant tout pour être heureuse.
Mais pour que son bonheur soit parfait, elle souhaitait encore une
seule chose. Avoir un enfant avec Consort. Mais à son âge, ce n'était
plus possible. Elle était beaucoup trop vieille. Il n'y avait qu'une
seule solution pour réaliser son désir. Mais elle se posait quand même
des questions. Son soudain désir de maternité n'était-il pas une façon
de combler le vide laisser pas la mort de son fils et non pas pas une
réelle envie d'élever un nouvel enfant ? Peut-être était-ce seulement
un caprice. Une telle décision devait être réfléchie. Adopter un enfant
n'était pas comme acheter un de ses produits "satisfait ou remboursé"
qu'on trouvait dans les supermarchés. C'était un être humain. Et que
se passerait-il si jamais il arrivait quelque chose à elle et à Consort
? Ses enfants encore vivants prendraient-ils soin de l'enfant ? Après
tout, à son âge, les accidents n'étaient pas rares. Et puis il y avait
aussi le problème de l'âge. Car elle était sûre qu'elle choisirait un
enfant en bas-âge. Au moins, il n'y aurait pas de difficultés
d'adaptation. Mais cela voudrait dire qu'il serait forcément plus jeune
que tous ces neveux. Comme allait-il vivre ça ?
Et puis elle n'en avait pas parlé à Consort. Elle n'allait pas décider
toute seule. Elle se donna un mois pour réfléchir au terme duquel elle
parlerait à Consort si ses craintes lui paraissaient infondées.
Finalement, ce moment de réflexion ne changea rien. Elle avait toujours
autant envie d'avoir un petit bébé bien à elle. Quand elle annonça son
intention à Consort, elle fut un peu surprise de la rapidité de sa
réponse. Elle eut l'impression qu'elle n'avait pas été la seule à y
penser. Et elle n'avait pas tort. Consort aurait bien aimé lui aussi
avoir un nouvel enfant, un enfant dont il pourrait dire que sa mère
était Isabella. Mais il n'osait pas demander à Isabella, il avait peur
qu'elle ne veuille pas. Mais Isabella fut encore plus surprise quand
Consort lui montra les plans qu'il avait conçus. Il avait déjà imaginé
toutes les transformations qu'il faudrait effectuer pour intégrer la
chambre du nouveau venu.
Puisque que c'était décidé, Isabella contacta tout de suite les
services d'adoption. On lui demanda de passer aux bureaux pour remplir
les formulaires nécessaires et afin de vérifier que le couple
remplissait les conditions pour une adoption. Isabella savait que ce ne
serait qu'une simple formalité. Après tout, ils lui avaient déjà confié
la garde des enfants de son fils.
Comme l'avait deviné Isabella, le rendez-vous se passa à merveille.
Très vite, on leur annonça qu'il allait bientôt recevoir un nouveau
membre dans leur famille. Cependant, ils voulaient d'abord vérifier que
le cadre de vie serait convenable pour lui. De ce côté là encore, aucun
problème, Consort avait déjà engagé une entreprise pour commencer les
travaux d'agrandissement du ranch et les services d'adoption eurent
l'air ravi en voyant les transformations et l'énergie déployées. Autan
dire que cela fut un jeu d'enfant pour obtenir cette autorisation.
Lorsqu'ils furent finis, ils purent enfin commencer à préparer
l'arrivée de l'enfant. Hermia, Juliette et Roméo étaient content
d'accueillir leur nouvel oncle. Ou peut être serait-ce une tante ?
Consort et Isabella ne leur avaient rien dit. Ils gardaient pour eux
toutes informations.
Lorsque le jour J arriva, tout le monde se leva de bonheur.
L'assistante sociale qui devait amener le jeune enfant devait arriver à
10 H et personne ne voulait manquer ça.
Les futurs parents étaient assez nerveux. Ce n'est pas tous les jours qu'on avait l'occasion de vivre cela.
Quand enfin le klaxon d'une voiture sonna devant chez eux, ils se
précipitèrent tous à l'extérieur mais ce fut Isabella qui eut le
privilège de la tenir dans ces bras. Une belle petite fille avec de
grands yeux verts et des cheveux noirs. Elle était magnifique. Quand
son regard croisa celui d'Isabella, elle sourit. Elle avait l'air de
bien aimer sa nouvelle famille.
"Je vous présente Phinealili, votre tante, dit Isabella aux adolescents.
- Cool ! Notre nouvelle tante ! Au moins celle là elle sera cool, pas comme Cunéguonde.
- Juliette, ne parle pas de ta tante Cunéguonde comme ça !
- Bon d'accord mais...
- Il n'y a pas de mais qui tiennent !
- Vous n'allez pas vous disputer tous les deux ! Vous allez faire peur à Lili ! , les arrêta Hermia.
- Ca fait à peine une dizaine de minutes qu'elle est arrivée et tu lui
as déjà un petit nom ? T'es une rapide toi ! , fit remarquer Roméo.
- J'aime bien Lili. Au fait, ça vient d'où ce prénom, Phinealili ?
- C'est une écrivaine à la mode. Je suppose que celui qui lui a donné son prénom est un fan.
Phinealili était la plus belle chose qui était
arrivé à Isabelle depuis des années. Elle était si adorable. Et si
avide d'apprendre de nouvelles choses. Toute son éducation était à
faire alors c'était plutôt une bonne chose. Il fallait lui apprendre à
parler, marcher... Toutes ces choses qu'Isabella et Consort avaient
perdu l'habitude de faire. Heureusement qu'Hermia adorait s'occuper de
sa tante sinon ils auraient été dépassés. Et puis c'était aussi elle
qui se levait la nuit si la petite avait besoin de quelque chose. Et
puis il faut dire que Consort avait profité des travaux pour lui faire
une chambre individuelle. La pauvre, elle commençait à manquer de
sommeil quand elle dormait avec Juliette. Les nuits étaient rarement
calme avec Roméo juste à côté. Elle ne voulait donc pas se montrer
ingrate envers son grand-père.
Et puis elle trouvait "Lili" si mignonne. Comment
ne pouvait-on pas aimer ce petit bout de choux ! Bon, a part sa tante
Cunéguonde et Tybalt, elle était sûre que tout la famille fondrait
devant elle. Même Mercutio ne pourrait pas résister à son regard.
Et Consort qu'ils connaissaient tous comme une personne froide et
distante avait beaucoup changé. Certes, il s'était amélioré au contact
d'Isabella mais avec Phinéalili, c'était presque comme s’il était
retourné en enfance. Il s'amusait avec elle à longueur de journée,
était le premier à applaudir ses exploits musicaux... Bref, il en était
fou. Isabella était même un peu jalouse. Il s'occupait maintenant plus
de Phinealili que d'elle. Qui plus est, elle ne pouvait même pas
s'occuper elle-même de sa fille ! Mais elle lui pardonnait dès qu'elle
voyait à quel point il était heureux. Elle n'avait pas le droit de le
priver de ça ne serait-ce que pour cinq minutes. Elle retournait donc
son ménage et attendais patiemment son tour. Même si parfois, c'était
très long. Et depuis que Consort avait pris sa retraite, elle passait
encore moins de temps avec sa fille. Parce que quand elle était dans
son ménage, elle n'en sortait pas avant d'avoir fini sinon elle était
coupée dans son élan et n'arrivait plus à redémarrer.
Et les seuls moments qu'elle pouvait partager avec
Phinealili, elle les consacrait à son éducation. Parce que ce n'était
pas Consort qui allait s'en occuper tout occupé à s'amuser qu'il était.
La petite fille apprit donc à marcher dans la cour ensoleillée du
ranch. Ses débuts furent assez difficiles et Isabella ne comptait plus
les fois où elle avait du la relever et la tenir pendant qu'elle
faisait quelques pas. Mais petit à petit, elle arriva à tenir sur ses
jambes et à se déplacer de quelques centimètres.
Au bout de quelques temps, elle eut le plaisir de la voir courir dans
tous les coins de la maison. Ce qui n'était pas au goût de Roméo et
Juliette. Phinealili ne se gênait pas pour entrer dans n'importe
qu'elle pièce sans frapper. Et depuis qu'elle savait parler, les deux
tourtereaux évitaient soigneusement de se trouver dans la même pièce
qu'elle, au cas où elle irait raconter ce qu'ils faisaient à Isabella
ou Consort. Ce n'est pas ce qu'il faisait le problème, ils avaient tout
à fait le droit et le vieux couple les avez déjà aperçu en train de
s'embrasser, c'est surtout qu'ils ne voulaient entendre un sermon sur
ce que doit voir ou pas un enfant de cet âge. Isabella pourrait même
les accuser de traumatiser leur tante. Ca leur faisait bizarre de
penser que cette petite fille était la demi-sœur de leurs parents. Ils
se marieraient sûrement avant elle et auraient sûrement des enfants
avant elle. Ils suivraient ses premiers amours, ses premiers
chagrins... Rien que d'y penser, leur tête tournait affreusement. En
fait, la seule chose qu'elle avait appris et qui ne les dérangeait pas
était synonyme de la fin de la corvée des couches. Ils en auraient même
presque fait une fête. Il y avait encore le pot à vider, mais ça, la
bonne s'en occupait très bien.
Mais depuis qu'Isabella avait accepté de laisser
son ménage à une autre femme qu'elle, le manoir était beaucoup plus
agréable à vivre. Il est vrai qu'avec l'âge, la vieille femme était
beaucoup moins efficace et maintenant qu'elle avait en plus un enfant à
charge, elle ne pouvait pas se permettre de se fatiguer en astiquant
les moindres recoins du ranch. Et en plus avec le reste de la famille
qui faisait pression sur elle pour qu'elle se relâche et qu'elle laisse
quelqu'un d'autre le faire à sa place, elle avait été obligée de faire
des concessions. Mais pour ce qui est de la nounou que Roméo avait eu
le courage de lui demander, elle avait dit non. Tout comme Consort. Il
avait pris sa retraite pour s'occuper de sa fille, il s'en occuperait.
Au bout de quelques temps, Isabella se dit qu'il était maintenant grand
temps de présenter Phinealili à ses frères et sœurs, Capp ou Monty.
Mais comment s'y prendre ? Fallait-il qu'elle les invite tous en même
temps ou bien Capp ensemble, puis Monty ensemble ? La deuxième solution
lui paraissait plus raisonnable. Si jamais elle réunissait les deux
familles au même moment, cela promettait d'être électrique. Roméo était
du même avis :
"T'es folle ou quoi ? Inviter tout le monde en même temps ! Autant se
retrouver à l'hôpital tout de suite comme ça on sera déjà sur place !
Déjà qu'inviter les Capp à la maison c'est chaud !"
Même Consort n'avait pas grand espoir du côté de sa famille. Ils
avaient toujours été bornés. Déjà qu'ils lui avaient assez reproché
d'avoir vendu le manoir de ses ancêtres. Mais il n'en avait rien à
faire. Ce n'était même pas ses ancêtres. C'était ceux de Condessa. Et
puis, il n'avait jamais aimé cette vieille bâtisse lugubre. Ce n'était
pas un endroit où des enfants pouvaient grandir sans se sentir étouffé.